La belle route

 

Les innombrables séances d’exercices effectuées avec abnégation par Anaïs pour augmenter sa masse musculaire autour des genoux, quelles que soient l’heure et les conditions, ainsi qu’un réglage de hauteur de selle particulier, ont donné des résultats au-delà de nos espérances. On a terminé il y a quelques jours une semaine consécutive de pédalage entre les villes de Shiraz et de Yazd et il n’y a pas la moindre douleur ou le plus petit picotement à l’horizon.

Nous sommes donc fin prêts pour la suite de l’aventure, pour traverser le désert turkmène en mode express, pour suivre la route de la soie de Bukhara à Samarcande en Ouzbékistan et pour gravir les cols et camper au bord des lacs de montagne kirghizes. Hop hop hop !!!

Carnet de route de notre première virée depuis longtemps, une belle route au sud de l’Iran :

Vers Persépolis (57km – 520m de dénivelé)
Après 12 heures dans un bus de nuit depuis Téhéran nous sommes contents de nous dégourdir les jambes et de constater que les vélos sont dans un parfait état malgré les secousses. Nous faisons nos réserves d’eau et dès que la luminosité est suffisante, nous entamons l’ascension pour sortir de la ville et nous diriger vers Persépolis. Le trafic est épars sur cette 4 voies et tant mieux. On est heureux d’être à nouveau sur nos montures et apprécions le paysage, de grandes vallées plates et cultivées entrecoupées de chaînes de montagnes beiges et sèches. Après une pause lunch à Marvdasht où nous dégustons un délicieux cheeseburger, nous arrivons en milieu d’après-midi à Persépolis. Nous plantons la tente en-dessous du mur de soutènement du site archéologique, juste au-delà de la barrière de sécurité… Pas mal comme emplacement !!! Anaïs va en solo s’aventurer parmi les ruines de cette antique cité pendant que Gilles se repose et se balade dans le parc attenant. On se cuisine des lentilles à la tomate avant de se coucher avec la délicieuse sensation de retrouver une vie de nomades…

Vers Pasargad (86km – 420m de dénivelé)
Aux premières heures de la journée, après quelques kilomètres depuis Persépolis, nous sommes les premiers à fouler le site de Naqsh-e Rostam qui abrite d’imposantes tombes de souverains de la dynastie sassanide creusées à même le roc. La lumière matinale donne un éclat particulier à la roche et aux cultures alentours. Quels magnifiques contrastes ! Nous passons ensuite la journée à pédaler parmi les champs qui serpentent dans une large vallée et tranchent avec la sécheresse et la rudesse des montagnes environnantes. Nous reprenons la route principale sur quelques kilomètres pour rejoindre ensuite Pasargad ou nous négocions avec le gardien des lieux la possibilité de dormir dans la salle de prière installée dans un préfabriqué juste en bordure du site archéologique. Site que nous ne visiterons pas finalement, car le monument principal est visible depuis l’extérieur et car les prix ont été décuplés ces dernières années et ne sont pas toujours compatibles avec notre budget.

Vers Safa Shahr (65km – 850m de dénivelé)
On bifurque au plus vite de la route principale pour louvoyer parmi collines et champs, sous un soleil de plomb. On monte, on descend, on remonte, on redescend et on profite de la tranquillité et de la beauté de l’environnement. Petite pause sandwich à l’ombre d’un arbre dans une vallée puis on rejoint Safa Shahr où nous plantons notre tente sur le gazon du parc Saadi, non sans avoir dû rassurer les gardiens quant à l’état de la pelouse lors de notre départ le lendemain. Ils ne sont pas habitués à voir des tentes que l’on doit planter au sol car les iraniens ont des tentes autoportantes qu’ils installent sur des surfaces de béton prévues à cet effet dans les parcs. Il nous a tout de même fallu leur montrer par l’exemple que la nôtre ne tenait pas sans sardines et que l’on ne pouvait pas les planter dans le béton…

Vers Marvast (140km – 500m de dénivelé)
Une immense étape dans une vallée bordée de montagnes déchirant le ciel, vallée brute et sévère mais adoucie par les oasis vertes la parsemant. Les kilomètres défilent sans que l’on s’en rende compte car nous sommes subjugués par les paysages toujours changeants et la beauté des pics qui nous entourent. Nous arrivons en fin de journée dans la ville de Marvast, en bordure du désert. Nous repérons un parc en entrée de ville mais décidons de rejoindre le centre pour voir si nous ne pourrions pas trouver un endroit avec douche, car cela fait depuis Téhéran que l’on n’en a pas eue !!! Nous sommes heureusement pris en charge par un membre du conseil communal local nommé Reza qui nous amène vers les locaux des pompiers et met à notre disposition un endroit où dormir, parsemé de tapis et de couvertures mais surtout la douche chaude tant espérée. Avec le maire, ils nous font visiter en privé la forteresse millénaire au centre de la ville puis nous invitent pour une glace. Nous retournons dans nos quartiers avec Reza et sommes bientôt rejoints par son fils qui nous amène un souper maison cuisiné par sa mère. La classe !!! S’ensuit un défilé de visites qui achèvera de nous épuiser (le maire avec sa famille, deux autres conseillers communaux, …). Nous nous endormons rapidement après cette journée bien remplie.

Vers le poste du Croissant-Rouge au milieu du désert (55km – 400m de dénivelé)
Il y a 55 kilomètres avant le prochain point d’eau alors nous faisons le plein et quittons Marvast assez tôt pour éviter de trop grandes chaleurs. La route est plate et nous allons à bonne allure malgré un léger vent de face. Ces conditions presque idéales ne durent pas… Après 5 kilomètres, la tempête se lève et soulève le sable qui vient nous fouetter le visage, remplir nos oreilles et brouiller notre vue. De plus la route est étroite et la visibilité mauvaise et les véhicules passant trop près de nous nous font perdre l’équilibre. C’est l’enfer !!! Nous rejoignons péniblement une partie moins sableuse du désert mais le vent continue de nous freiner. Et là, au milieu de rien, la pluie se met de la partie et nous devons enfiler nos vestes. Nous aurons au moins tout eu aujourd’hui !!! Cette étape est courte mais difficile et nous sommes heureux d’enfin rejoindre le seul endroit habité au milieu de cette immense étendue. Nous avons de la chance car la jeune équipe du Croissant-Rouge nous met à disposition un lit superposé et une douche. Nous passons la soirée dans la bonne humeur avec cette bande de gai-lurons. Nous avons même la surprise de partager avec eux un bout de pizza et des douceurs amenées par une connaissance de passage, depuis Yazd à plus de 100 kilomètres de là… Autant dire que la pizza était froide !!!

Vers Mazre No (60km – 750m de dénivelé)
Encore du désert, mais cette fois avec un vent de dos qui nous pousse vers Ali Abad puis vers Mazre No où nous décidons de nous arrêter pour la nuit, malgré que ce ne soit que le début de l’après-midi. Un local nous indique la mosquée et nous autorise à y passer la nuit. Nous nous baladons un peu dans le village et retournons à la mosquée pour une petite sieste. Celle-ci est repoussée car la moitié du village est là pour voir les curieux cyclos et leurs montures. S’ensuit d’innombrables séances photos et des discussions avec vieux et jeunes qui veulent connaître notre itinéraire et s’exclament bruyamment quand on leur dit que l’on vient de Suisse sur nos montures. Après la sieste, le manège continue et Anaïs a même des discussions quelque peu osées avec les voisines ! Nous nous cuisinons un petit plat de pâtes avant de nous retrancher dans notre abri pour la nuit. Alors que nous avions hésité à camper en-dehors du village, nous sommes heureux d’être là car la tempête se lève et le ciel se zèbre de blanc. Allah nous protège !!!

Vers Fahraj (102km – 1110m de dénivelé)
La plus belle mais aussi la plus épuisante des étapes de ce périple dans le sud de l’Iran nous attend aujourd’hui. C’est un défilé sans fin de montagnes arides et imposantes, de petites routes terreuses à forte déclivité, d’oasis et de petits villages où les habitants de Yazd viennent passer leur dimanche (enfin, leur vendredi…). Nous dégustons le paysage malgré la chaleur et la difficulté du tracé mais sommes quand même heureux d’arriver en fin de journée à Fahraj, dans un petit hôtel dont nous avions rencontré le propriétaire à Shiraz lors de notre étape « touristes avec valise ». Nous y passons 3 nuits de repos absolu, en compagnie de Qashem et de Sajjat, à faire des siestes et fumer des shishas. Farniente, farniente, que nous sommes bienheureux !

Nous rejoignons ensuite Yazd où nous sommes actuellement et d’où nous prenons le train demain pour rejoindre Mashhad à l’est du pays, la dernière grande ville avant la frontière turkmène où nous allons nous présenter le 21 mai au matin. Le visa de transit turkmène n’est valable que pour 5 jours et il y a plus de 500 kilomètres à parcourir. Vous recevrez donc nos prochaines nouvelles depuis l’Ouzbékistan probablement.

À tantôt